Les risques de blanchiment d’argent liés aux personnes politiquement exposées

La FINMA a relevé qu'une banque privée genevoise avait manqué à ses obligations en matière de prévention du blanchiment d'argent et ainsi avait gravement violé les règles du droit des marchés financiers1. Cette infraction concerne des relations d’affaires qui appartiennent à une catégorie de risque en particulier, celle des personnes politiquement exposées (PEP). La FINMA a notamment établi que la banque concernée n’avait pas suffisamment clarifié et documenté l’origine des valeurs patrimoniales de relations d’affaires à haut risque. Le manque de clarification constitue une violation des obligations de diligence. Cet exemple montre clairement les conséquences auxquelles s’expose l’intermédiaire financier en cas de non-respect des obligations de diligence applicables.

Notre article approfondit, d’une part, la question de l’identification d’une personne politiquement exposée et, d’autre part, les obligations de diligence découlant de la loi sur le blanchiment d’argent qu’il faut respecter dans le cadre des relations d'affaires à risque accru.

Qu’est-ce qu’une personnes politiquement exposée (PEP)? Est-il autorisé d’entretenir des relations d'affaires avec elles?

La notion de personne politiquement exposée (PEP) est définie à l’art. 2a de la loi sur le blanchiment d’argent. La définition comprend différentes catégories de PEP. Seules des personnes physiques peuvent être considérées comme PEP. Une personne visée par la définition doit être qualifiée de PEP indépendamment d’un risque de corruption ou de blanchiment d’argent.2

Les catégories de PEP sont (a) les personnes politiquement exposées à l’étranger, (b) les personnes politiquement exposées en Suisse et (c) les PEP au sein d’organisations internationales. L'art. 2a LBA définit également les personnes proches de PEP.

En principe, les relations d’affaires avec des personnes politiquement exposées ne sont pas interdites en soi3. Par conséquent, il est possible d’accepter des valeurs patrimoniales de PEP.

Le tableau ci-dessous reprend les différentes catégories de PEP:

Personnes exposées à l’étranger4

Il s’agit de personnes qui sont ou ont été chargées de fonctions publiques dirigeantes à l’étranger. 
L’élément déterminant n’est ni la nationalité ni le domicile, mais le fait que la personne occupe une fonction publique dirigeante dans un autre pays. 
Exemples de fonctions types d’un autre pays: 

•    Chefs d’État ou de gouvernement 
•    Politiciens de haut rang au niveau national 
•    Hauts fonctionnaires de l’administration, de la justice et de l’armée 
•    Partis au niveau national
•    Organes suprêmes d’entreprises étatiques d’importance nationale

Personnes exposées en Suisse5 Il s’agit de personnes qui sont ou ont été chargées de fonctions publiques dirigeantes au niveau national en Suisse. 
Il s’agit des fonctions ou des membres suivants:

•    Fonctions publiques dans la politique, l’administration, l’armée et la justice 
•    Membres du conseil d’administration ou de la direction d’entreprises publiques d’importance nationale 
PEP auprès d’organisations internationales6

Il s’agit de personnes qui sont ou ont été chargées de fonctions dirigeantes au sein d’organisations intergouvernementales et de fédérations sportives internationales, notamment:
•    Secrétaires généraux
•    Directeurs et sous-directeurs
•    Membres du conseil d’administration 
•    Personnes exerçant des fonctions équivalentes

Personnes proches de PEP7 Même si en soi les proches ne sont pas des PEP, il faut les traiter de la même manière que les PEP.8 Ce sont des personnes physiques qui sont, de manière reconnaissable, proches des PEP pour des raisons familiales, personnelles ou relevant de relations d'affaires.
 

Quand faut-il considérer une relation avec un PEP comme une relation d’affaires à risque accru?

Les personnes politiquement exposées ainsi que leurs proches présentent un risque inhérent de blanchiment d'argent important. Ce risque accru réside dans le fait qu’un PEP a la possibilité économique de disposer de valeurs patrimoniales importantes et de les transférer pour ses besoins propres ou pour les intérêts de tiers.

L'OBA-FINMA laisse cependant la possibilité aux intermédiaires financiers de traiter différemment les catégories de PEP présentées précédemment (voir ci-dessus) et n'impose pas que toutes des relations d'affaires avec des PEP soient identifiées comme des relations d'affaires à risque accru. En d’autres termes, selon le type de PEP, une relation d’affaires sera obligatoirement à risque accru ou uniquement lorsqu’elle répond à un ou plusieurs critères de risque supplémentaires. Si, pour finir, la relation d'affaires comporte un risque accru, cela impliquera des obligations de diligence et des mesures organisationnelles particulières.

Le tableau ci-dessous permet de définir quand une relation d’affaires avec un PEP doit être considérée comme une relation à risque accru:

  • Relations d’affaires avec des PEP étrangères
  • personnes qui leur sont proches
Ces relations d’affaires sont toujours considérées comme des relations un risque accru.9
  • Relations d’affaires avec des PEP suisses
  • PEP auprès d’organisations internationales
  • personnes qui leur sont proches
Ces relations d’affaires sont considérées comme des relations à risque accru uniquement en relation avec un ou plusieurs autres critères de risque.10
 

Quelles sont les obligations à respecter pour les relations d’affaires à risque accru?

Tout d’abord, il incombe à la direction à son plus haut niveau ou au moins à l’un de ses membres de décider de l’ouverture de relations d’affaires avec des personnes politiquement exposées11 et de décider chaque année de poursuivre ces relations d’affaires.12

Lorsque qu’une relation avec un PEP ou une relation d’affaires à risque accru est identifiée, elle doit être signalée comme telle à l’interne.13

Par ailleurs, les relations d’affaires à risque accru sont non seulement soumises aux obligations de diligence générales (qui s’appliquent à toutes les relations d’affaires), mais également à des obligations de diligence particulières14 . Cela signifie qu’en cas de relations d’affaires à risque accrus avec un PEP, l’intermédiaire financier doit impérativement procéder à des clarifications complémentaires.

La loi ne précise aucune clarification complémentaire. L'OBA-FINMA énumère toutefois à titre d’exemple des moyens de clarifications qui peuvent être utilisés selon les circonstances. Dans tous les cas, l'intermédiaire financier vérifie la plausibilité des clarifications et les documente de manière compréhensible pour les tiers.15

Les clarifications complémentaires doivent être initiées sans délai et réalisées au plus vite16. Selon les circonstances, il convient notamment d’établir17:

  • si le cocontractant est l'ayant droit économique des valeurs patrimoniales remises;
  • l’origine des valeurs patrimoniales remises;
  • l’utilisation des valeurs patrimoniales prélevées;
  • l’arrière-plan économique des versements entrant importants et si ceux-ci sont plausibles;
  • l'origine de la fortune du cocontractant et de l'ayant droit économique de l'entreprise ou des valeurs patrimoniales;
  • l’activité professionnelle ou commerciale du cocontractant et de l’ayant droit économique de l’entreprise ou des valeurs patrimoniales;
  • la question de savoir si le cocontractant, le détenteur du contrôle ou l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales est une personne politiquement exposée.

Quand faut-il informer le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS)?

L’obligation de communiquer prévue à l’art. 9 de la loi sur le blanchiment d’argent oblige l’intermédiaire financier à informer le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent s’il sait ou présume, sur la base de soupçons fondés, que les valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d’affaires ont un rapport avec des faits énumérés à l’art. 9, al. 1, let. a, ch. 1 à 4, de la loi sur le blanchiment d’argent.

Il convient notamment de noter que l’obligation de communiquer ne s’applique pas uniquement lorsque l’intermédiaire financier dispose d’informations concrètes. Un soupçon doit être communiqué dès lors que plusieurs indices ainsi que l’obligation de clarification particulière au sens de l’art. 6 LBA et les indices qui en découlent permettent de présumer ou du moins de ne pas exclure l’origine criminelle des valeurs patrimoniales.18

Ne pas sous-estimer le risque

En tant qu’intermédiaire financier, il ne faut pas sous-estimer le risque lié aux relations d’affaires avec des personnes politiquement exposées. La FINMA est vigilante et la violation des dispositions de la législation sur le blanchiment d’argent peut aboutir à de lourdes sanctions.
 

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1Communiqué de presse de la FINMA du 25 mars 2024.
2Art. 2a, LBA - legalis.ch
3 D Bericht (finma.ch)
4Art. 2a, al. 1, let. a, LBA
5Art. 2a, al. 1, let. b, LBA
6Art. 2a, al. 1, let. c, LBA
7Art. 2a, al. 2, LBA
8Art. 2a, LBA - legalis.ch
9Art. 6, al. 3, LBA
10Art. 6, al. 4, LBA
11Art. 19, al. 1, let. a, OBA-FINMA
12Art. 19, al. 1, let. a, OBA-FINMA
13Art. 13, al. 6, OBA-FINMA
14Art. 6, al. 2, LBA
15Art. 16, al. 2, OBA-FINMA 6Art.
16Art. 17, OBA-FINMA
17Art. 15, al. 2, OBA-FINMA
18Art. 9, LBA - legalis.ch